Charte de Vie Affective et Sexuelle des Personnes Handicapées au sein de l’APHP.

Ce texte est le fruit d’un processus de remise en question et de réflexion sur nos pratiques, dans notre volonté de respecter les droits et les libertés des personnes en situation de handicap que nous accompagnons. L’évolution sociétale, tant dans les mentalités que dans les textes de lois, et notre évolution institutionnelle dans la prise en compte de la vie affective et sexuelle des personnes nous ont conduits à la rédaction de cette charte. 

La rédaction de ce texte ne signifie pas l’arrêt de notre réflexion ; bien au contraire, elle s’inscrit dans une dynamique de réflexion qui se prolonge dans nos échanges, nos actions, nos formations, et la recherche de nouveaux partenaires. Ce n’est pas une fin en soi mais un commencement. La vie affective des personnes que nous accompagnons au sein de nos différents services comporte bien évidemment une dimension personnelle et intime, mais aussi une dimension sociale, englobant la personne, sa famille, les autres personnes accompagnées et les professionnels chargés de son accompagnement. Chacun de ces acteurs disposent de droits et de devoirs que le présent document se propose de définir. 

Il n’est pas question dans cette charte de règlementer l’affectivité des personnes en situation de handicap -car elle est individuelle, évolutive et impalpable-, mais de travailler sur ses expressions telle que la sexualité. Cette charte encadre les pratiques professionnelles en les inscrivant dans une éthique clairement définie, en accord avec les valeurs associatives et les textes de lois. Elle permet d’ajuster les pratiques entre devoir de protection des personnes vulnérables, de bientraitance et de respect de l’intimité, et le droit des personnes à avoir une vie amoureuse et sexuelle. 

La question de la vie sexuelle se trouve implicitement englobée parmi les droits et libertés garantis aux personnes vivant en institution médico-sociale, au premier rang desquels apparaît le respect de la dignité, de l’intégrité, de la vie privée, de l’intimité et de la sécurité.

Article 1.

Le personnel des différents services s’attache, avant tout, à permettre et préserver la possibilité pour les personnes adultes handicapées d’avoir une vie intime ou privée au sein de l’institution.

Le devoir de protection, qui répond à une vulnérabilité particulière des personnes accompagnées, ne doit pas conduire à des pratiques intrusives ou coercitives qui auraient pour effet d’empêcher cette vie intime ou privée. Tout le personnel s’engage également à tout mettre en œuvre pour garantir les droits à l’autodétermination et à l’autonomie, ainsi que le respect de la dignité des résidents. Le consentement le plus éclairé possible doit toujours être recherché. 

Article 2.

La vie intime ou privée, dont les relations et pratiques sexuelles des personnes, doit se dérouler dans (et seulement dans) les lieux dévolus par l’institution à la vie intime ou privée (les chambres personnelles des résidents), sans restriction ni limitation autre que celles fixées par le droit.

Les pratiques ou comportements sexuels illicites sont donc prohibés au sein de l’institution comme ils le sont ailleurs ; ces derniers sont : 

  • la pédophilie sous toutes ses formes :
    • inceste, 
    • atteinte sexuelle sur mineur sexuel (moins de 15ans ; anciennement attentat à la pudeur sans violence),
    • corruption de mineur,
    • propositions sexuelles à un mineur de moins de 15 ans par un moyen de communication électronique, 
  • le viol, 
  • l’exhibitionnisme.

Les éventuels contrevenants s’exposent aux sanctions prévues par la loi commune. En outre, les relations sexuelles entre usagers et salariés sont interdites par l’éthique et la déontologie professionnelle, de même que la prostitution pour des raisons de règlement intérieur. Toutes les autres pratiques sexuelles sont donc possibles dans l’établissement sous réserve de consentement mutuel des personnes. 

Article 3.

Les professionnels s’engagent à la plus grande vigilance afin de prévenir les abus et à signaler à leur direction sans délai tous les incidents qu’ils seraient amenés à constater dans le cadre du protocole associatif de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance. Un signalement sera systématiquement effectué concomitamment auprès du Conseil départemental, de l’Agence Régionale de la Santé et du Procureur de la République. 

Article 4.

Un dispositif d’information, d’accompagnement, de soutien et de protection sanitaire doit être activé continûment au sein de l’institution. Celui-ci implique nécessairement, en faveur des personnes accompagnées et pour toutes les questions relatives à leur vie intime et privée, que sont ou seront mis en place : 

  • une réponse effective aux demandes de soutien social et psychologique,
  • une information adéquate et adaptée sur le droit des personnes handicapées, sur la sexualité, les MST et leur prévention, les techniques contraceptives, etc. Afin de permettre cette information, les services font appel à un partenaire extérieur (Planning familial) à raison d’une fois par an minimum. Des temps d’échanges intermédiaires pourront être organisés par l’équipe pluridisciplinaire (travailleurs sociaux, psychologue, infirmière),
  • des consultations privées ou en couple peuvent être organisées au planning familial ou au centre de planification,
  • un suivi médical afférent aux questions préventives, contraceptives, gynécologiques, etc.,
  • une protection de l’intimité des personnes et des espaces dévolus à leur vie privée étroitement intégrée aux différents projets (associatif, de services et personnalisés)…
  • la mise en place de débats, réunions, groupes de parole et autres dispositifs permettant à chaque résident de s’exprimer, de s’informer, de se légitimer et de se sentir acteur dans la recherche d’une vie affective et sexuelle épanouie. 

Article 5.

Le recours à la prostitution au sein ou sous couvert de l’institution (sorties organisées) n’est pas envisageable ; ce qui n’empêche évidemment pas la possibilité « d’autres visites », usagers-usagers ou usagers-personnes extérieures. Cela implique un minimum 

d’encadrement de la part des équipes, qui doivent s’assurer du consentement explicite de «l’invitant» et de la possibilité : 

  • Pour lui, de faire appel en cas de difficultés imprévues,
  • Pour elles, d’intervenir rapidement. Cet encadrement ne doit pas être « intrusif » au point d’annihiler toute notion d’intimité, mais suffisant pour que notre devoir de protection soit convenablement assuré. Un salarié ne peut être considéré comme un « tiers neutre », justement parce que son statut de salarié lui confère un rôle et une mission. Celle-ci, nous l’avons vu, est de protéger la vie privée de l’usager, de la rendre possible, et non de participer à cette vie privée. Par conséquent, il n’est pas exigible d’un salarié que celui-ci s’investisse dans une « aide à la relation sexuelle » au titre de « tiers participant ». Par contre, le fait de favoriser la possibilité d’un moment d’intimité, d’aider les partenaires à s’installer dans de bonnes conditions (confort et sécurité) ainsi qu’il est régulièrement procédé dans le cadre de ce que nous appelons « l’aide au coucher » est parfaitement envisageable dès l’instant que les précautions développées au chapitre 4 auront été prises. Les autres pratiques sexuelles, solitaires ou faisant recours à des moyens suggestifs (films ou programmes érotiques), sont également licites dès l’instant où elles se déroulent dans (et exclusivement dans) les espaces dévolus à la vie privée. 

Article 6.

Aucune discrimination sur les préférences sexuelles ne saurait être mise en œuvre au sein de l’association. Aussi, seront reconnues et respectées toutes les relations hétérosexuelles, homosexuelles, à deux, multiples, et solitaires, tant qu’elles sont consenties par chacun. 

Article 7.

La question du droit à la vie affective et sexuelle reconnu comme besoin fondamental imprescriptible implique que son exercice n’est aucunement soumis, pour un majeur, à une quelconque autorisation des parents, d’un tuteur ou d’un curateur -la notion de protection juridique ne peut recouvrir une limitation ou une interdiction de satisfaction des besoins fondamentaux de la personne. Sur ce point, l’institution engage sa responsabilité, laquelle ne peut être fondée que sur le droit. Et s’il est demandé aux résidents d’informer le personnel sur d’éventuels changements ponctuels (dormir ailleurs que dans sa chambre personnelle, se rendre dans tel ou tel lieu….) afin que leur sécurité soit toujours assurée, les résidents n’ont pas à attendre la permission ou l’autorisation du personnel pour avoir une activité sexuelle ou une relation affective, avec la ou les personnes de leur choix. Le personnel s’assure juste du consentement éclairé de chaque personne. 

Article 8.

La possibilité d’une parentalité assumée par un usager ou un couple d’usagers au sein des services d’hébergement de l’association (hormis le Service d’Accompagnement à la Vie Sociale) n’est pas envisageable (la notification d’orientation vers nos établissements, justifiant l’accueil et la prise en charge de l’usager, ne concerne que lui et non sa progéniture éventuelle). Dans cette éventualité, l’équipe accompagnera la/les personnes vers les dispositifs adaptés à la situation de parentalité. Pour les mêmes raisons, la présence d’ « un tiers invité » n’est possible que dans le cadre d’une simple visite et non pas pour des séjours de plus longue durée. Pour autant, si le fait d’avoir un enfant se heurte aux limites de notre institution, le désir d’enfant lui, doit pouvoir être exprimé, entendu, et reconnu en tant que tel.